Pourquoi les cités de la Méditerranée orientale fascinent-elles tant ? En
quoi la connaissance d'Alexandrie, de Beyrouth, de Constantinople,
d'Odessa, de Salonique et de Smyrne est-elle un sésame indispensable à la
compréhension d'un monde essentiellement pluriel dans lequel nos sociétés,
issues des premiers États-nations, prennent conscience d'être projetées ?
L'histoire de la Smyrne ottomane tardive est exemplaire d'une gestion
sociale élaborée impliquant différents groupes humains, aux références
religieuses et en partie juridiques divergentes. La pluralité des langues parlées
en ville et la diversité des mises vestimentaires donnent au visiteur et au lecteur
pressés une impression superficielle de Babel chaotique, alors que les
représentations de l'ordre familial et social étaient largement partagées par
l'ensemble des Smyrniotes - qu'il s'agisse de citadins grecs, turcs, juifs, arméniens,
levantins. La place respective des uns et des autres dans cet arrangement
hiérarchisé permettait une cohabitation quotidienne. En fait, c'est avec grand art
que les moments de proximité ouverte et ceux d'intimité exclusive étaient agencés
dans la cité. La diversité, considérée comme une donnée, fut pourtant perçue par des
cercles politiquement actifs de la ville et au-delà comme de moins en moins légitime...
Ces sociétés urbaines du siècle passé ne nous offrent donc pas de «plan de route»
infaillible pour une coexistence inscrite dans la pluralité. Leur fin, le plus souvent
catastrophique - celle de Smyrne fut particulièrement violente et meurtrière -, doit au
contraire nous alerter sur les dangers d'une absence de citoyenneté commune dans ces
mondes cloisonnés.
Illustration
illustrations en noir et blanc, cartes
Date de parution
13/5/2005