

Entre ses textes «confessionnels» et ses essais «phénoménologiques», «le juif philosophe» qu'était Emmanuel Levinas savait à l'occasion reconnaître qu
Entre ses textes «confessionnels» et ses essais «phénoménologiques», «le juif philosophe» qu'était Emmanuel Levinas savait à l'occasion reconnaître qu'il y avait bien une même «source d'inspiration»: un sens éthique de l'altérité et de ses venues multiples qui ne dérangeait pas moins les orthodoxies autoritaires que les conceptualités systématiques. C'est à l'orée du langage articulé et aux sources du discours rationnel qu'il s'agissait pour lui de remonter pour laisser s'éveiller un psychisme tout d'écoute et d'adresse, dont l'écriture n'est jamais que le tracé toujours renouvelé. Ce souffle de l'Esprit ne saurait laisser intact aucun des philosophèmes qu'il rencontre et dont il ranime les braises. Ni l'existence dont l'auto-affirmation s'en trouve ébranlée et dont les manifestations se font alors clignotantes. Ni la transcendance qui y perd son extériorité de surplomb et dont les insinuations passent désormais énigmatiquement entre ceux-là mêmes qu'elle envoie les uns aux autres. Et si demeure encore la pointe effilée d'une subjectivité d'emblée hors de soi, elle se laisse tout entière incliner en sujétion ordonnée où la réponse éthique de l'obligé s'avère inséparable de la passion religieuse de l'élu. Ce noyau an-archique du sens éthico-religieux, loin d'aucun repli sur sa sublimité, s'avère au contraire comme le seul (non) lieu où la violence du monde peut être justement affrontée et prise en charge. Aussi la voix qui appelle ici à responsabilité ne peut-elle résonner à travers le choc et/ou le dialogue des cultures qu'en introduisant en elles et entre elles la provocation étrange d'un ailleurs qui ne rentre jamais dans l'ordre. Le «Dire inspiré» qui anime et traverse tous les «Dits» d'Emmanuel Levinas est encore en attente de relances à venir.