Max Ehrlich (1892-1944), disciple de Max Reinhardt, fut l'un des plus célèbres acteurs
du théâtre comique allemand et du cabaret berlinois. Sous la République de Weimar,
le cabaret est à son apogée et Max Ehrlich au sommet de sa carrière, brillant dans
toutes les disciplines : acteur de cinéma, de théâtre, comédien et maître de cérémonie,
chanteur, imitateur, réalisateur de films, auteur de livres. A cette époque, Berlin est la
nouvelle capitale culturelle de l'Europe et acquiert la réputation d'être la vilie qui ne
dort jamais. L'arrivée au pouvoir des nazis met brutalement fin à son ascension : comme
tous les autres artistes juifs, il est confiné à la scène de «l'Association culturelle Juive»
(Jüdischer Kulturbund) qui n'a le droit de se produire que devant un public juif, sous
la surveillance de la Gestapo. Ce n'est qu'en 1939 que Max Ehrlich décide de s'exiler
en Hollande. Il y retrouve son complice Willy Rosen, avec lequel il monte plusieurs
spectacles. Mais, comme les plus fameux acteurs, chanteurs et danseurs du théâtre
berlinois, il est déporté dans le camp de Westerbork, l'antichambre d'Auschwitz, érigé
par le gouvernement hollandais dans une zone désolée. Les artistes s'unissent et fondent
le «Groupe de Théâtre du Camp de Westerbork», dirigé par Max Ehrlich. Certes, cette
entreprise reflète la perversité du projet nazi, encourager que l'on chante, danse et joue
à Westerbork, alors que le destin de chacun est déjà scellé dans la mort. Les détenus
sauront tourner cet état de fait à leur avantage, en utilisant le rire comme moyen
de résistance spirituelle, en se servant de l'illusion du spectacle pour survivre malgré
l'adversité. Le théâtre, pour les acteurs, comme pour le public de détenus, devient
ainsi un moyen de résistance contre la barbarie. Pendant l'été 1944, les transports
hebdomadaires vers la Pologne et l'anéantissement s'accélèrent. Le 12 septembre, Max
Ehrlich et Willy Rosen montent dans le dernier train pour Auschwitz où ils seront
gazés à leur arrivée, comme la plupart des 107.000 déportés de Westerbork.
Date de parution
16/2/2004